Faire face aux ruptures de vie

Alors que les mutations se multiplient dans de nombreux domaines, comme la sphère professionnelle ou familiale, de nouveaux besoins d'accompagnement et de protection apparaissent. Comment y répondre ? Et quel rôle doivent jouer les assureurs, en particulier les institutions de prévoyance ?
Détail du dossier
Changements sociaux et nouveaux besoins
Chaque époque est traversée par de profonds changements, sociaux, économiques ou encore politiques. Celle que nous vivons est spécifique du fait de leur accélération.
L'INSEE prévoit par exemple que la population française sera composée d'un tiers de personnes de 60 ans et plus en 2050, contre une sur cinq en 2005. Du côté de la famille et de la parentalité, toutes les cartes sont rebattues : en 2017, le nombre de mariages a été le plus bas jamais enregistré depuis la fin de la Deuxième Guerre mondiale - même l'ouverture de ce droit aux couples de même sexe n'a pas renversé la tendance. Le PACS fait désormais jeu quasi-égal avec cette institution de plus de deux siècles, tandis que le concubinage ne cesse de progresser. L'INSEE et l'INED notent également que la fécondité baisse en France - tout en se maintenant au premier rang des pays européens. Autre résultat de leur enquête annuelle : une famille sur cinq est monoparentale.
Une demande forte de soutien multiforme
Un autre domaine connaît lui aussi de nombreux bouleversements, c'est celui du travail. D'après la dernière étude de l'Observatoire des trajectoires professionnelles, un actif sur trois a connu une transition, subie ou choisie, au cours de l'année écoulée - par exemple un changement d'entreprise, l'entrée en formation de longue durée ou une reconversion professionnelle. Jusqu'à présent, cette proportion ne concernait qu'un actif sur quatre. Outre sa progression rapide, ce phénomène concerne désormais autant d'hommes que de femmes.
Vieillissement de la population, mutations de la famille, parcours professionnels plus fractionnés et diversifiés... Si l'on ajoute la complexité des dispositifs d'aide et la multitude d'interlocuteurs à contacter en cas de situation de vie difficile, on comprend aisément la demande sociale croissante pour un accompagnement social personnalisé. Comme le rappelle Christophe Heintz, responsable du pôle conception et marketing de l'OCIRP, "pour faire face aux situations de rupture de vie, comme le décès, la séparation du conjoint ou encore les maladies redoutées, la prestation financière ne suffit plus. La forte demande d'accompagnement social personnalisé exprime le besoin d'un accès simplifié aux services permettant d'amortir le choc, de se reconstruire, d'adapter son projet de vie, et de rebondir."
Une articulation nécessaire avec les prestations financières
Quelles réponses apporter à cette demande légitime ? Pour Julien Damon, professeur associé à Sciences Po Paris et conseiller scientifique de l'école nationale supérieure de Sécurité sociale (En3s), le système français de protection sociale "doit maintenant atteindre son nouvel objectif de personnalisation, c'est-à-dire d'adaptation aux situations individuelles. La personnalisation ne passe pas uniquement par des prestations adaptées, dans leur montant et dans la réactivité de leur gestion, mais aussi par l'extension de la logique des parcours personnalisés. Pour la protection sociale, il y a là une nouvelle articulation nécessaire entre prestations financières et services d'accompagnement." (Source : "Accompagnement social et référent unique", Revue de Droit sanitaire et social, novembre-décembre 2018)
Dans la même logique, en matière de prévoyance, pour un assureur moderne, payer ne suffit plus. Il s'agit d'apporter des solutions personnalisées aux accidents de vie douloureux. "Les assureurs souhaitent apparaître comme des apporteurs de solutions lors d'accidents de vie. [...] Ces services s'inscrivent dans le quotidien des assurés, que ce soit avant un sinistre (prévention, écoute, conseils) ou après (retour d'hospitalisation, soutien psychosocial, aide à domicile, aide aux devoirs...)." (Source : A. Nicolas, "L'assistance a pris le virage du care", L'Argus de l'assurance, 21 juin 2018)
Dans le développement de l'"assuristance", la personne et les services à la personne sont plus que jamais au coeur du métier. C'est la révolution du care et des care services - services d'assistance personnalisés tout au long de la vie.
L'assureur devient care manager
Comme l'explique Christophe Benavent, professeur à l'université Paris Nanterre, directeur du pôle digital de l'ObSoCo (Observatoire Société et Consommation. Cité par L'Argus de l'assurance), "l'évolution de payeur à partner renforce la tangibilité de l'assurance. Indéniablement, le métier des assureurs et des assisteurs se politise, en prenant progressivement en charge les citoyens. Aujourd'hui, leur rôle ne se limite plus à couvrir les conséquences d'un sinistre, mais bien à prendre soin de leurs clients, en réduisant les risques auxquels ils s'exposent. Ce déplacement stratégique de payeur à partner, aidé par les nouvelles technologies à leurs dispositions, a un réel avantage : il renforce la tangibilité de l'assurance, qui reste un des rares produits que l'on paye avant de consommer, voire qu'on ne consommera jamais." Face à ces constats, au-delà de l'indemnisation du sinistre, l'assureur peut se positionner en care manager, un coordinateur réunissant les activités d'assureur, d'assisteur, de fournisseur de services à la personne - dans une logique de prise en charge continue et personnalisée.
Le care : une question d'éthique
Apparue à la fin des années 1990 aux Etats-Unis, avant de se diffuser en France et ailleurs, la notion de care (du verbe anglais signifiant "se soucier") questionne les pratiques de soin et d'accompagnement. Elle s'appuie sur une éthique de la sollicitude, définie et pensée par plusieurs philosophes comme Fabienne Brugère.
Pour cette spécialiste, une question cruciale concerne le type d'Etat social que l'on souhaite promouvoir : s'agit-il de confier toutes les tâches de care aux seuls professionnels du service public, ou de combiner cette approche avec des pratiques privées ? Elle souligne aussi l'un des principaux défis : dans un contexte mondialisé de crise de l'Etat social, comment réussir à valoriser le care et lui donner la place qu'il mérite ?
Plus largement, le débat questionne le rapport à l'autre et de la bienveillance dans les sociétés actuelles.
Pour aller plus loin : Fabienne Brugère, L'éthique du "care", Que sais-je ? PUF, 2017.
OCIRP-IMA, un partenariat durable au service des bénéficiaires
Toute personne faisant face à une rupture de vie peut subir des conséquences dommageables sur la santé physique et psychologique, la structure familiale ou l'emploi. Il est donc essentiel de les prévenir, le plus en amont possible. C'est avec cette ambition partagée que l'OCIRP et IMA (Inter Mutuelles Assistance) ont noué un partenariat orienté sur l'enrichissement ou la création de services, dans une logique díapproche à 360 degrés.
Au programme : un accompagnement social personnalisé pendant la période de fragilité qui suit l'évènement, complété par un soutien financier pour aider à se reconstruire et adapter son projet de vie. Présentation du projet par Pierre Dufour, vice-président du Groupe IMA en charge du pôle santé, Bien-vivre, et Pierre Mayeur, directeur général de l'OCIRP.
Quelle est la genèse de ce partenariat ?
Pierre Dufour : Nous avions une première expérience de coopération avec l'OCIRP, et il nous a semblé évident de poursuivre avec un partenariat plus ambitieux. D'autant plus que la démarche proposée nous séduisait, aussi bien sur le fond que la forme. Il est pertinent de se positionner sur un accompagnement serviciel plus innovant et proactif. C'est d'autant plus intéressant de le faire dans une approche axée sur la co-construction. L'OCIRP nous a ainsi encouragés à proposer des solutions, dès nos premiers échanges.
Pierre Mayeur : L'OCIRP est attaché à son engagement social, complémentaire de celui des institutions de prévoyance. L'avenir de l'assurance est dans les services, et nous franchissons aujourd'hui un nouveau cap en apportant une véritable valeur ajoutée dans l'accompagnement de nos bénéficiaires confrontés à des situations difficiles. Il nous fallait nous allier avec ceux qui disposent de cette expertise, les assisteurs dotés d'une capacité à apporter des réponses concrètes, rapides et adaptées. Avec son pôle Santé, Bien-Vivre, IMA était le partenaire idoine. Avec ce partenariat, nous enrichissons nos garanties et construisons de nouveaux services, d'abord sur la situation liée au décès et les autres ruptures de vie, puis sur la perte d'autonomie et la dépendance.
Comment cela va-t-il se déployer ?
Pierre Dufour : Une première offre est déjà mise en place depuis le mois d'avril, sur les garanties Conjoint, Education et Handicap de l'OCIRP. L'objectif est de proposer un suivi dans la durée, personnalisé et complet. Nous lançons également le site Internet vivreapres.fr sur le deuil et les autres situations de rupture de vie (séparation, chômage, maladies graves...). Il y a une vraie complémentarité entre les compétences de l'OCIRP et les nôtres pour continuer par la suite à innover, avec d'autres solutions et services.
Pierre Mayeur : La proactivité est la clé de cette dynamique : c'est ainsi que nous allons suivre les bénéficiaires de manière personnalisée dans la durée, à des étapes douloureuses de la vie. Nous oeuvrons pour accompagner le mieux possible les personnes face aux ruptures de vie et éviter l'accumulation des difficultés. A l'avenir, nous pourrions proposer aux institutions de prévoyance de lancer des extensions de services pour les salariés, en proposant des garanties d'assurance sur les diverses situations de rupture de vie. Par exemple, le chômage du conjoint ou les maladies chroniques. En termes d'ingénierie, beaucoup peut encore être fait pour améliorer le service rendu aux bénéficiaires ! L'un de nos défis sera de tout mettre en oeuvre pour que les services soient connus et utilisés. En fonction des retours, nous pourrons ajuster notre offre et rester force de proposition envers les bénéficiaires.
L'OCIRP enrichit son offre de services avec IMA
Depuis le 1er avril, une phase-test a été lancée pour les veufs et veuves, enfants et jeunes orphelins, nouveaux bénéficiaires des garanties Conjoint, Education et Handicap. Celle-ci est centrée sur leur accompagnement social personnalisé avec une coordination assurée par des travailleurs sociaux.
Pour définir une palette de solutions adaptées, l'OCIRP s'est penché sur les besoins actuels d'une personne confrontée au choc d'une rupture de vie. "Tout d'abord, elle a besoin d'un contact immédiat, explique Christophe Heintz, responsable du pôle conception et marketing de l'OCIRP. Dans notre monde numérique, et a fortiori en étant confronté à une situation particulièrement difficile, on ne supporte pas ces plateformes difficiles à joindre et impersonnelles. Etre réactif, mieux, être à l'initiative, constituera un progrès pour les bénéficiaires qui aspirent à aller de l'avant." Une fois le contact établi, il est essentiel de pouvoir s'adresser à une personne qui comprend son besoin et a la compétence pour soutenir et aider. Mais cette étape n'est que la première. La reconstruction s'inscrivant dans la durée, l'accompagnement doit lui aussi être durable, avec des solutions personnalisées.
De l'appel ponctuel aux rendez-vous réguliers
Cette identification des besoins structure le partenariat OCIRP-IMA dont la mise en oeuvre s'est concrétisée en 2019 et se poursuivra en 2020. IMA est en première ligne pour répondre aux appels des bénéficiaires. "Nos travailleurs sociaux sont formés pour cet accompagnement d'un an, qui vise à aider la reconstruction et cheminer vers un nouvel équilibre de vie, précise Catherine Joubert, responsable développement nouveaux métiers d'IMA. Si la personne en exprime le besoin, des rendez-vous téléphoniques réguliers peuvent être proposés."
Expérimenté depuis le 1er avril 2019 auprès des bénéficiaires des garanties OCIRPVEUVAGE, OCIRPEDUCATION et OCIRPHANDICAP, "Vivre après" assure une meilleure connaissance de leur situation et améliore la prévention en activant plus régulièrement, lorsque nécessaire, des services d'accompagnement social. Les bénéficiaires sollicitent le service, soit pour une seule discussion, soit pour des échanges réguliers. Comme l'explique Catherine Joubert, "notre objectif est d'être un catalyseur, dans le sens de la réaction chimique, entre les différents services et interlocuteurs avec lesquels le bénéficiaire doit interagir."
Partir de chaque situation individuelle
Pour Cathy Gruel, coordinatrice de l'accompagnement social de l'OCIRP, "notre rôle est de faciliter le quotidien et, si besoin, aider à adapter son projet de vie." L'offre de services est donc enrichie pour couvrir autant de situations - et de besoins - que possible. Cela se concrétise aussi bien par une aide pour les activités quotidiennes que par l'organisation de moments de répit. Du coaching budget au soutien psychologique, en passant par l'aide au retour à l'emploi ou à la mise à disposition d'une auxiliaire de vie, la palette de services est large.
"Nous partageons avec les équipes d'IMA la même volonté de proposer un accompagnement social personnalisé, en identifiant les besoins du bénéficiaire pour trouver des solutions adaptées", indique Cathy Gruel.
Soulagement et étonnement
A l'heure du premier bilan, quelques constats se dessinent. "Les retours des bénéficiaires mettent en avant l'impact de notre action dans leur vie quotidienne, remarque Catherine Joubert. Ils apprécient notamment notre aide pour être mis en relation avec les associations ou services institutionnels correspondant à leur situation et leurs attentes."
Cathy Gruel, pour sa part, relève "le grand soulagement ressenti d'avoir pour interlocuteur une personne pour les écouter et les aider."
Seconde réaction : "l'étonnement face à la richesse de l'offre et son caractère gratuit", beaucoup d'entre eux pensant que le coût serait déduit de leur rente OCIRP - "c'est une bouffée d'oxygène qui leur est apportée". Les deux services les plus utilisés pendant les trois premiers mois confirment d'ailleurs la diversité des besoins : le soutien psychologique et le jardinage.
Tous les mois, les équipes de l'OCIRP et d'IMA se rencontrent pour échanger et envisager des perspectives d'amélioration. Première concrétisation : jusqu'alors, chaque nouveau bénéficiaire contactait directement l'OCIRP ou renvoyait un formulaire pour demander à être appelé. Dans l'optique d'une coordination plus efficace, IMA se charge désormais de les appeler directement dès la mise en place de la prestation.
Les garanties "augmentées" pour faire face au décès
L'offre de services s'est considéralement enrichie pour les nouveaux bénéficiaires des garanties Veuvage, Education et Handicap. Un coordinateur écoute, informe et oriente. Il active des services en fonction des besoins et en assure le suivi. Tour d'horizon des services proposés dans le cadre de l'accompagnement social personnalisé.
Pour se reconstruire et, si besoin, adapter son projet de vie
- Soutien psychologique*
- Aide au retour à l'emploi
- Coaching budget
- Coaching forme
- Nettoyage du logement, lors d'un déménagement ou d'une vente
Assurer l'avenir des enfants
- Soutien scolaire, avec des cours particuliers sur mesure**
- Orientation et insertion professionnelle, avec un accompagnement jusqu'à 26 ans**
Etre autonome
- Aide financière pour le brevet de sécurité routière, l'année des 16 ans, sous conditions de ressources**
- Aide financière pour le permis de conduire, l'année des 18 ans, sous conditions de ressources**
- Stage de renforcement en conduite pour les détenteurs d'un permis de moins d'un an **
- Aide financière pour le permis de conduire ou la reprise d'heures de conduite, pour les demandeurs d'emploi. Sous conditions de ressources*
S'accorder un moment de répit*
- Partir en vacances, en profitant d'un séjour à un tarif préférentiel (pour les plus de 60 ans)*
Faciliter le quotidien
- Aide aux démarches administratives à domicile
- Conseils juridiques (consommation, logement, impôts, succession...)
- Aide à domicile
- Mise à disposition d'un(e) auxiliaire de vie
- Accompagnement d'enfant(s) à l'école et aux activités extrascolaires
- Garde d'enfant(s)
- Présence facilitée d'un proche
- Aide aux déplacements, par l'organisation et la mise à disposition d'un taxi
- Bien-être, avec la prise en charge de diverses prestations
Et aussi
- Entretien du jardin, petit bricolage, livraison de courses, nettoyage et fleurissement des sépultures...
* Service spécifique pour les bénéficiaires de rente de conjoint (garantie veuvage).
** Service spécifique pour les bénéficiaires de rente éducation (garantie éducation).
Vivreaprès.fr : Le site dédié aux ruptures de vie
Vivreapres.fr est accessible à tous pour faciliter l'accès à l'information sur les situation de ruptures de vie.
A travers des guides pratiques, des articles, des infographies et des vidéos laissant une large place à des témoignages, on aborde les questions liées au décès et au deuil, aux maladies redoutées, aux séparations ou encore aux périodes de chômage.
Ce site grand public s'adresse aussi bien aux bénéficiaires des garanties OCIRP qu'aux particuliers non couverts, en passant par les dirigeants d'entreprises et services de ressources humaines souhaitant mieux conseiller leurs salariés et leurs proches.